Les barriques de chêne américain – Épisode 2 – Des merranderies et tonnelleries à l’échelle du pays
Les différences entre les méthodes de gestion forestière et les caractéristiques souhaitées des barriques conduisent à des approches différentes dans les merranderies et les tonnelleries. Nous allons examiner de plus près les techniques utilisées par deux entreprises américaines, Morehead Stave Mill et Commonwealth Cooperage, qui font toutes deux parties du groupe ISC, dans le Kentucky.
Morehead Stave Mill, une merranderie appartenant au groupe ISC, transforme les grumes de chêne provenant de trois États voisins. À leur réception, chaque grume est soigneusement marquée, mesurée en longueur et en diamètre à différents points, puis inspectée pour évaluer ses défauts tels que les nœuds et les attaques d’insectes. Le fournisseur est rémunéré en fonction de ces critères.
La première étape consiste à couper les grumes en billons, une opération optimisée grâce à l’utilisation de lasers. Le rendement de la coupe est vérifié par rapport au calcul effectué lors de la réception des grumes. Les billons sont ensuite découpés en quartiers, puis sciés pour produire des merrains ou des planches rectangulaires de différentes largeurs et longueurs. Contrairement au chêne français, le chêne blanc américain ne nécessite pas d’être fendu, car il contient de nombreux clapets ou « tyloses » qui assurent l’étanchéité des barriques. Cela présente un énorme avantage en termes de rendement par mètre cube de bois.
Les merrains sont empilés sur des palettes et exposés aux intempéries et au soleil pendant une période de 6 mois à 2 ans. Cette opération, appelée maturation, permet d’éliminer les tanins du bois, de le sécher (réduisant l’humidité de 80% à environ 20-25%) et de développer les arômes.
Après la maturation, il est nécessaire d’homogénéiser l’humidité des merrains afin d’éviter les problèmes de retrait et de déformation tels que le tuilage. En fonction de l’emplacement de la palette sur le parc ou de l’exposition du merrain sur la palette elle-même (dessus, dessous, etc.), le taux d’humidité peut varier. Les merrains sont donc stabilisés dans des cellules afin d’uniformiser leur taux d’humidité, qui doit être compris entre 14% et 17%. Le bois est alors prêt à être transformé en douelles. Cette étape ne remplace pas la maturation à l’air libre.
En fonction des caractéristiques de vieillissement recherchées, Morehead produit différentes qualités de douelles, en fonction de la durée de maturation. La marque ISC Spirit Barrels propose la gamme suivante :
- Classic : maturation des bois pendant 6 mois
- Cooper’s Select : maturation des bois pendant 18 mois
- Cooper’s Reserve : maturation des bois pendant 24 mois
- Small Batch : des barriques avec des processus développés par ISC pour répondre à des demandes spécifiques sur le plan aromatique, comprenant :
- Spiral Cut
- Wave Stave
- Toasted barrels
- Smoked barrels
Le groupe ISC dispose de son propre service d’ingénierie et développe en permanence des innovations technologiques pour optimiser l’utilisation de chaque billon de bois : les lattes les plus courtes sont réservées à la production des fonds de barriques, la poussière de coupe est récupérée pour alimenter les chaudières et les étuves de séchage, les parties présentant des défauts sont transformées en « tank staves » ou en copeaux de chêne pour d’autres applications dans l’œnologie. Chaque poste de travail est optimisé pour garantir des cadences de production. Ces applications sont gérées par une autre division du groupe, la société « Oak Solutions Group ».
Commonwealth Cooperage – ISC – Le dernier né du groupe
Cette tonnellerie, située dans le Kentucky, est la plus récente et la plus moderne du groupe. Bien que le groupe ne communique pas sur les chiffres de production, les cadences de production sont impressionnantes. Des centaines de milliers de barriques en chêne américain sortent chaque année de cette unité. Avec sa deuxième tonnellerie dans le Missouri – Missouri Cooperage -,ISC est sans aucun doute le leader de la production de barriques neuves en chêne américain.
« Commonweatlh Cooperage située dans le Kentucky est la tonnellerie plus récente et la plus moderne du groupe. Ce sont plusieurs centaines de milliers de barriques de chêne américain qui sortent de cette unité chaque année »
Le merrain maturé est livré à la tonnellerie où des douelles de différentes largeurs sont usinées, c’est-à-dire qu’elles sont jointées, creusées et dolées. Les douelles sont ensuite cerclées et cintrées sur toute la hauteur du fût lors de l’opération de chauffe de cintrage. Les fûts et les fonds de barriques sont ensuite brûlés (carbonisés) à des températures et des durées qui dépendent du profil aromatique recherché. Les possibilités sont infinies et le groupe ISC via son centre de recherche, teste de nouvelles solutions pour répondre aux demandes spécifiques des producteurs ou pour proposer de nouveaux profils aromatiques innovants.
Enfin, l’étanchéité de chaque barrique est vérifiée à la sortie de la ligne de production en injectant de l’eau sous pression. Chaque barrique est identifiée par un code-barres unique pour assurer sa traçabilité, ce qui constitue une garantie pour le client.
Toaster ou brûler ?
La différence entre toaster – griller une barrique – et brûler – carboniser une barrique – est comparable à celle entre chauffer et brûler. Lorsqu’un tonneau est toasté, le bois est exposé à la chaleur, mais il ne peut pas s’enflammer et brûler. La chaleur intense ramollit les fibres du bois, permettant ainsi de courber les douelles pour leur donner la forme traditionnelle d’un tonneau. La carbonisation se produit lorsque le tonnelier laisse l’intérieur de la barrique s’enflammer et brûler. Plus le bois brûle longtemps, plus la couche de carbonisation à l’intérieur de la barrique est profonde. L’intérieur de la barrique devient noir et se couvre d’une fine couche de charbon de bois. Cependant, la carbonisation du bois crée également une « couche rouge » de sucres naturels caramélisés.
Le toastage et la carbonisation dégradent la lignine et l’hémicellulose contenues dans les fibres du bois, produisant de la vanilline, ainsi que des phénols et d’autres molécules aromatiques complexes, offrant des arômes de grillé, de café, de chocolat, voire de fumée, en fonction du niveau et de la durée de la chauffe. L’hémicellulose contribue également à apporter une certaine sucrosité. Le toastage et la carbonisation confèrent également des arômes du type « whisky-lactone », tels que la noix de coco, le bois fraîchement coupé et les sous-bois. Ces opérations doivent être parfaitement maîtrisées pour assurer la reproductibilité des gammes.
Thierry & Gautier Heins